Les silences de Joe Cocker
Music Music n°11 (1972 ?) © Richard Kolinka & Rolland Gaillac

Cocker est sans doute le plus grand chanteur de rock vivant... Le seul qui n'ait jamais fait aucune concession à la gloire, le seul qui soit encore vraiment pur... Sa carrière, jalonnée d’incidents, voire d'accidents plus ou moins graves, est loin d'avoir suivi une évolution linéaire. Pourtant, malgré ses longues absences, ses silences, sa forte personnalité lui a permis de rester comme une ombre gigantesque sur la scène du show-business...

 


QUI C’EST ? …
C’EST LE PLOMBIER

Joe Cocker est né le 20 mai 1944, à Sheffield. Il poursuit des études supérieures de plomberie jusqu’à l'âge de 16 ans. Étant un élève super doué. Il abandonne ce métier d'avenir, pour se consacrer entièrement à la zizique. Depuis sa plus tendre enfance, il adore la musique noire, la Soul et plus particulièrement Ray Charles. Alors, pour passer le temps, il chante dans les pulls de Sheffield. L'accueil est plus que mauvais. Le public n'aime pas la ressemblance de sa voix avec celle du Genius. Il fonde alors un groupe : "Big Blues". Il y joue de la batterie et chante. Le premier et seul contrat qu'il a avec eux, est une tournée dans les bases américaines en France. Mais comme l'armée ne paie pas, il retourne à Sheffield. Là, Joe devient le chanteur de "Vince Arnold and the Arrangers". Ils accompagnent la tournée des Hollies et des Rolling Stones. Puis ils enregistrent chez Decca, leur premier 45 tours comprenant "Georgia On My Mind" de Ray Charles et "I’ll Cry Instead" des Beatles. Le disque ne passe pas l'hiver et rapporte à Joe Cocker... !!!

RAME, JOE JOE…

Après pas mal de galères, Joe rencontre le Manager de Procol Harum. Donny Cordelle, en 1967. Il lui fait changer de maison de disque et Cocker enregistre (cette fois ci en solo) son deuxième 45 tours "Marjorine", (composition de Cocker et de son ami d'enfance Christ Stainton) et "The New Age Clty". Grace à ce disque. Cocker arrive enfin à accéder un hit-parade anglais. C'est pas encore la gloire, mais ça approche. Joe forme alors en 1968, une nouvelle furmule du "Big Blues Band". Il sort la fabuleuse version de "With A Little Help From My Friends" des Beatles, extrait de son premier 33 tous.

Cette fois-ci, c'est la consécration. Cocker est propulsé dans les hit-parades et devient numéro 1 partout dans le monde. Le groupe qui l'accompagne dans l'album, est formé de supes stars. On y trouve entre autre : Jimmy Page, Keith Moon. Stevie Winwood, Clenn Cattini, Mike Kellie. Matthew Fischer, Madeline Bell, Boule Clayton, etc... Toutes les portes lui sont ouvertes et son Immense talent est enfin reconnu.

 

SALUT LEON

En 1970. Il va aux Etats-Unis. Il rencontre, grâce à Delaney and Bonnie, Leon Russel. Il enregistre avec lui son second album : "Joe Cocker" dans lequel on trouva plusieurs ont de Russel. Mais Joe décide de faire une tournée dans tout le pays. Il laisse Léon Russel choisir tous les musiciens. En février 1970, un super groupe est formé. Cette tournée deviendra l'une des plus mémorables de l'histoire de la Pop. Elle donnera lieu à un film et a un double album qui auront pour titre "Mad Dogs and Englishmen".

On y voit une nouvelle forme de groupe. D'une part, les musiciens sont nombreux : plus de dix. Et d'autre part, une fonte de choristes les accompagnent. Ces choristes sont dirigés par Don Nix qui est, pour la petite histoire, l'un des plus grands producteurs américains. Le film "Mad Dogs and Englishmen", montre une grande famille en tournée, aux côtés de Joe Cocker : une foule de gens passe et repasse devant la scène, sans se soucier du concert. On y voit aussi un Joe Cocker épuisé. A des signes imperceptibles, on pressent déjà la catastrophe...

LA CHUTE

Cette tournée, qui durera plus d'un mois, nous montre un Joe Cocker à l'apogée de son talent ; un artiste qui mérite bien d'être classé parmi les plus grands du monde. Et puis c'est le coup de théâtre : il abandonne la scène ! Pour ses amis pour son entourage, la cassure était inévitable ; on se demande même comment il a pu tenir jusque-là. Ce n'est un secret pour personne en effet. Joe Cocker, depuis un moment déjà, se réfugie de plus en plus souvent dans les "paradis artificiels". Certes, c’est là qu'il puise son extraordinaire feeling, ses inspirations géniales. Mais la surtension de la vie d'artiste, ajoutée à tout le reste provoqueront le drame.

Peu après la tournée de "Mad Dogs", Joe Cocker rentre à Sheffield. Il est épuisé, cadavérique. Il perd ses cheveux, et il est atteint de "délirium tremens". Il doit être hospitalisé. Des mois durant, il va lutter désespérément pour ne pas perdre la raison... C'est la première grande absence de Joe Cocker. Pendant près de deux ans, son nom va disparaitre des hit-parades. On pourrait facilement lui jeter la pierre. Issu d'un milieu extrêmement pauvre, fils de mineur, ancien ouvrier lui-même, il avait tout pour être heureux : gloire, fortune, sans avoir besoin de recourir à la drogue. Et pourtant, c'est peut-être à cause de toutes ces raisons qu'il a, justement, cherché à se retrancher dans un monde intérieur. Confronté à un milieu totalement différent de ce qu'il connaissait jusqu’alors son psychisme n’a pas su s’adapter…

 

D’hôpitaux en hôpitaux, de cure de désintoxication en cure de désintoxication, Joe essaye, tant bien que mal, de remonter la pente. Sa passion pour la musique l’aidant, il décide tout de même, de se remettre au travail. Il prépare, dans le secret, un nouveau répertoire.

SILENCE... ON TOURNE

Puis en avril 1972, à la grande surprise de tout le monde (et surtout de ses médecins), Joe Cocker entreprend une nouvelle tournée américaine en compagnie du Chris Stainton Band. La tournée ne reçoit pas le même accueil que son illustre précédente. Cocker est loin d’être remis.

Malgré ça, il enregistre "Midnight Rider" des Allman Brothers et "Love The One You’re With" de Steve Stills. Ce disque remporte un succès moyen. Cocker n'est plus ce qu'il était, et le public le sent.

Le 27 juin 1972, il donne un concert à Paris, puis un mois plu: tard. Il participe au festival d’Avignon. Les gens viennent là, retrouver l’ambiance de "Mad Dogs & Englishmen"… mais ils ne retrouvent qu’un Joe Cocker au bout du rouleau. Puis, de nouveau, c’est le silence.

On apprend qu'il est retourné à l'hôpital. Il est de plus en plus malade. Cette fois-ci, ou croit bien que c'est la fin. On ne tente pal indéfiniment le diable, et tout le monde sait qu'il est quasiment impossible de se relever de ce genre de "maladie"... Pourtant, une nouvelle fois, à deux ans d'intervalle, cette affirmation sera détruite.

En effet, depuis, Joe Cocker retravaille sur l'enregistrement d’un nouvel album. Sa vie, il l'a donnée à la musique. C’est cette grande, cette unique passion qui lui permettra peut-être de retrouver son deuxième souffle. Ce disque, Joe le sait bien, est très important pour sa carrière. C'est sans doute pour cette raison que sa sortie est sans cesse reculée. Il tient à produire un album techniquement parfait.

Nous l’attendons tous avec impatience car Joe Cocker est sans doute le chanteur le plus marquant de ces dernières années. Et il est encore assez tort pour nous étonner.

Un talent comme le sien en effet, ne peut pas disparaitre…

Richard Kolinka, assisté à l’électrophone par Rolland Gaillac


© Joe Cocker & Lucie Lebens - Tous droits réservés