Southern
Comfort Il n'y a pas si longtemps, on ne se souvenait plus de Joe Cocker que comme d'une espèce d'ahuri hirsute, alcoolique, gesticulant et accessoirement, comme l'un des héros de Woodstock et l'heureux interprète d'une poignée de tubes antédiluviens. Et puis il y a eu le miracle : cette idée de Chris Blackwell de le faire enregistrer à Nassau avec ses requins attitrés, et de lui faire subir le traitement administré auparavant à Grace joues et Marianne Faithfull. On s'est alors rendu compte que Cocker tenait encore parfaitement la route à condition que quelqu'un lui trouve les chansons qu'il n'avait jamais su composer, le plante devant un micro et s'occupe du reste. "Sheffield Steel" n'avait donc des allures de lifting et séduisait par l'étonnant contraste entre la tradition rhythm’n’blues de la voix de Cocker et la technologie de pointe de la bande des Bahamas. En apprenant que "Civilized Man" n’était enregistré à Nashville, on pouvait s'inquiéter, redouter qu'avec l'absence d'un contrepoint moderniste comme celui de Nassau, le style de Cocker ne sombre de nouveau clans la désuétude. A défaut d'être aussi surprenant que "Sheffield Steel" le résultat reste satisfaisant : les requins Toto, qui l’accompagnent n’ont pas l'audace esthétique d'un Blackwell, mais sont des perfectionnistes. On ne s'étonnera donc pas de la rigueur de "Civilized Man" et l'on saluera, une nouvelle fois, les étonnantes qualités vocales de Cocker, lorsqu'il est bien épaulé. Reste que toute une frange du public qui l'avait découvert ou re-découvert avec "Sheffield Steel" risque d’être déçue par ce retour à un certain classicisme et qu'une reprise, même réussie d'un morceau de Squeeze ne sera probablement pas suffisante pour en faire des fidèles. |